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Des balades, des voyages, ici ou là , au jour le jour avec pour seule envie de s'émerveiller encore et encore

Les tissages catalans d'Arles sur Tech

Pas de mer bleu, ni de verte prairie, ni même de vieilles pierres aujourd'hui, je plonge dans la nostalgie des savoirs-faire abandonnés et vous y invite.

Ces toiles colorées vous rappellent probablement les torchons inusables de votre grand-mère ou les nappes des repas de famille de votre grand-tante. Leur belle histoire s'estompe peu à peu sous des monceaux de poussière. Alors j'ai envie de vous parler de ce qui reste de l'industrie des tissages catalans en visitant le conservatoire des tissages à Arles sur Tech. 

Les tissages catalans et les vigatanes ont fait de cette terre de montagne une contrée artisanale prospère et reconnue.  Si à Saint Laurent de Cerdans l'une et l'autre renaissent par la volonté d'hommes et de femmes volontaires, les tissages d'Arles sont tombés dans l'oubli.

Le Vallespir est une terre de traditions. Certaines perdurent comme la fête de l'ours qui espère son inscription au patrimoine immatériel de l'UNESCO quand d'autres ont connu des heures  prestigieuses et des lendemains qui déchantent. Au passage j'adore le logo du Haut-Vallespir avec ses montagnes, ses tours et sa patte d'ours. Je le trouve très réussi car sa lecture est une image parfaite de cette région reculée mais vivante, montagnarde et historique.

Communauté de Communes du Haut Vallespir

 

Tout part des vigatanes, ces espadrilles qui s'attachent avec des lacets autour du mollet, dont l'usage nous est venu par la catalogne espagnole si proche. Les ateliers et usines de tissages ont débuté leur activité en fabriquant  les étroites bandes de toiles colorées qui servaient à la confection des vigatanes (prononcez "bigatanes")  

Le conservatoire des tissages au Moulin des Arts,

Installé à Arles sur Tech, le visiteur est invité à pénétrer dans un environnement industriel qui semble plongé dans un sommeil profond. Le silence qui y règne est incongru au regard des imposantes machines qu'on imagine s'activer dans un tohubohu assourdissant. Ces machines ont quelque chose de beau, d'imposant, d'admirable. Oui, je suis admirative de l'ingéniosité qui les mettait en action à une époque où nos robots  industriels n'avaient pas même de nom.... 

Dans cet ancien moulin à huile, en bordure du Tech, là où étaient installés les ateliers de tissage qu'ont été rassemblées des machines encore équipées de leur fils de trame.Des outils jonchent le sol, comme laissés là pour les reprendre demain. On a une étrange impression, celle d'une débandade, d'ouvriers partis rapidement, laissant là leurs outils prêts pour le lendemain matin. Mais ce lendemain n'est  jamais arrivé.

Comme toujours, réussite et échec sont des affaires d'hommes et de femmes. A  Arles sur Tech, c'est la famille Camo qui est à l'origine de la réussite mais aussi de l'échec de leur entreprise industrielle. 

 

Le Vallespir était depuis le Moyen-Age tout entier tourné vers la fabrication de vigatanes qui étaient réalisées essentiellement par les femmes des villages de montagne. Les hommes travaillaient dans les forges, les ateliers de tissage de la toile colorée  et solide ou fabriquaient les semelles des espadrilles.

L'eau non calcaire d'Arles a permis le développement de la teinture des toiles. Venons-en à l'histoire de l'usine.

Les grands tissages d'Arles débutent en 1911 sous l'impulsion de Georges Camo et de ses trois associés dont les frères Cantaloup. De jeunes artistes proposent de nouveaux croquis mais aucun ne fut retenu. parmi eux, il y avait un certain Pablo Picasso.

La guerre éloigne les hommes et  Madame Camo  doit diriger l'usine seule. Au retour de la guerre un des frères Cantaloup crée à côté une chocolaterie, le second meurt et le quatrième associé se retire.

En bordure du Tech...

L'usine va dès lors connaître un fort développement malgré une très importante grève avec séquestration de Monsieur Camo  en 1936. L'usine emploiera 125 salariés.

Mais le 17 septembre1940 alors que l'usine emploie 125 salariés, une violente crue du Tech, "l'aigouat de 40" détruit les usines qui le bordent. La manufacture est détruite à 70% en quelques minutes. Les machines sont emportées par la crue et ne seront jamais retrouvées.

Résultat de recherche d'images pour "crue du tech 1940"

 

Monsieur Camo reconstruira seul l'usine 

La chocolaterie Cantaloup sera déplacée à Perpignan. Elle fonctionne  encore sous le nom de Cémoi. 

A la mort de Georges Camo, son beau-fils reprend l'usine mais ce n'est pas un bon gestionnaire et rapidement l'usine doit se repositionner et être confiée à un directeur. En 1949, les espadrilles sont passées de mode, il faut trouver d'autres idées. On commence à confectionner du linge de maison, des toiles plus larges et plus épaisses.  Sous l'impulsion d'un jeune directeur (et second mari de madame Camo), l'usine prend une nouvelle orientation  en inventant la toile bayadère qui trouve un certain succès auprès de la haute couture et des grands magasins parisiens. Brigitte Bardot en sera même l'égérie publicitaire.

Les tissages catalans d'Arles sur Tech
Les tissages catalans d'Arles sur Tech
Les tissages catalans d'Arles sur Tech
Les tissages catalans d'Arles sur Tech
Les tissages catalans d'Arles sur Tech

Le tourisme de masse envahit les côtes du Roussillon et on compte bien profiter de cette manne financière. Un magasin d'usine est ouvert au coeur même de l'usine. Les toiles sont confectionnées  par des femmes, le plus souvent à leur domicile pour proposer aux estivants un linge de maison de qualité sous le nom des tissages du Vallespir.

 

Cette forme de vente est très rentable puisqu'elle va constituer la moitié du chiffre d'affaires de l'usine. Madame  Giscard d'Estaing viendra même visiter et féliciter l'entreprise.

Un problème important en découle cependant, c' est que l'activité est concentrée sur quatre mois de l'année.  Alors comment conserver une main d'oeuvre qualifiée en ne lui proposant que quatre mois de salaire? Il devient vite évident que le modèle ne s'avère pas viable longtemps. Il s'épuise peu à peu et sans idée nouvelle, la fermeture est inévitable. Elle interviendra en 2002 et l'entreprise sera liquidée en 2013.

De cette époque prospère il ne reste maintenant que quelques machines poussiéreuses qui n'attendent qu'un repreneur inventif et audacieux pour redonner vie à une population qui en a bien besoin. 

Et ça peut marcher!

Une autre usine de tissage importante du Vallespir a eu plus de chance. Elle a été sauvée du silence et de l'oubli par Henri QUINTA qui, depuis 1993, a positionné les Toiles du soleil de Saint Laurent de Cerdans en produits haut de gamme et qui a désormais des boutiques à New-York, Tokyo, Moscou etc.

En lien (un clic ici) un article des echos qui relate cette transformation réussie

Souhaitons que ces mains expertes puissent à nouveau faire revivre ces belles machines dans un tohu-bohu infernal et productif.

 

Merci de votre visite

et

passez une belle journée en balades ou en découvertes virtuelles ou pas.

 

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V
merci de ta visite! un endroit que j'aime beaucoup, et la boutique de la maison Quinta aussi! bonne journée. cathy
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T
J'y reviens chaque année faire des folies.... Merci de ta visite. Très belle journée