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Des balades, des voyages, ici ou là , au jour le jour avec pour seule envie de s'émerveiller encore et encore

Le château de Coussay et le cardinal de Richelieu (86)

Les journées du patrimoine se sont refermées jusqu'à l'an prochain. Elles ont été pour nous, cette année, l'occasion d'une belle découverte que j'ai très envie de vous faire partager.

Si je vous dis que nous avons visité le château de Richelieu, vous allez me répondre que cela n'est pas possible. Et vous aurez raison. Il n'y a plus de château à Richelieu car il a été détruit pendant la Révolution. Ce n'est donc pas un château de la ville de Richelieu que nous avons visité mais le château où le futur cardinal à vécu et où il trouvait refuge pendant ses périodes de disgrâce. 

C'est aux confins de la Touraine et du Poitou  que le château de Coussay cache une petite part de notre Histoire. Coussay est un petit village du Mirebalais, tout près de Lencloitre, une petite ville du nord de la Vienne, non loin de Richelieu et de la vallée de la Loire.

La plupart des châteaux de notre région sont protégés de nos regards curieux par de hauts murs ou des bois bien touffus. On n'en devine que quelques éléments de toiture ou une perspective lointaine au bout d'une allée. Alors quand les propriétaires nous ouvrent leur porte, c'est  avec un grand bonheur qu'on part à la découverte de ces merveilles cachées.

Je vous invite à suivre la visite quasi privée que nous ont offerte les propriétaires. 

En bordure du village de Coussay, il faut contourner les murs des communs pour découvrir un élégant château qui hésite entre sa vocation première de forteresse, avec ses remparts, ses douves en eau et son donjon et un élégant logis de style Renaissance. 

Le château est bâti sur un terre-plein qui domine la campagne. Il était protégé en ses quatre coins par des tourelles de guet et entouré d'un rempart perçé de nombreuses meurtrières.

Un petit pont qui enjambe les douves récemment curées et remises en eau nous amène à l'intérieur de l'enceinte.

Cette élégante bâtisse séduit par son unité. Elle a très peu changé depuis sa construction au XVIème siècle à part une fenêtre ouverte au rez-de-chaussée (la seconde à gauche) qui romp l'organisation rigoureuse des ouvertures parfaitement alignées. 

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et une porte ouverte  par Richelieu sur la façade ouest.

Depuis Richelieu le château n'a subi aucune nouvelle modification ce qui lui confère une authenticité assez rare. A nous d'imaginer qu'ici, un peu du destin de notre pays a été pensé,  réfléchi,  ici pour notre bien...ou pas! 

Le destin de ce château s'est joué en quatre périodes importantes

  •  un prieuré construit par Louis le Pieux

En 837, le roi Louis le Pieux fait construire un prieuré qu'il rattache à l'abbaye de Cormery en Touraine. Pendant cinq siècles, des moines vécurent  ici de l'exploitation agricole des terres  alentours.  

La Guerre de Cent Ans met fin à cette période plutôt tranquille. La famine gagne la région et le prieuré est peu à peu délaissé. 

  •  une villa à la mode italienne construite par Denis Briçonnet

Deux siècles plus tard, Denis Briçonnet originaire de Touraine est évêque de Saint-Malo et de Lodéve. Ce dernier évêché ne l'intéresse pas beaucoup et il en demande l'échange contre l'abbaye de Cormery, plus près de sa famille. Il devient donc ainsi le prieur de Coussay. Il aime l'endroit, en apprécie le climat et décide  en 1520 de s'y faire bâtir une "villa".

Il revient alors d'une mission de trois années auprès du Pape Léon X à Rome et comme François 1er, il a été séduit par la nouvelle architecture italienne renaissance. Il a pu aussi s'inspirer des travaux entrepris par sa soeur  Katerine Briçonnet et son époux Thomas Bohier. Au service et Général des finances de Louis XI, Charles VIII, Louis XII et François 1er, Thomas Bohier a accumulé une belle fortune et entreprend la construction du château de Chenonceau. C'est sa femme, Katherine, qui en sera l'architecte et en supervisera les travaux. Pas étonnant donc que Denis s'inspire du château de sa sœur, construit quelques années avant, pour imaginer sa "villa".

Le nouveau château s'installe sur les bases du château-tour existant mais avec une organisation et une décoration renaissance. La tour donjon a été préservée et domine toujours fièrement l'ensemble même si elle a perdu une partie de son chemin de ronde et sa fonction défensive. Elle abrite un petit oratoire très apprécié par Richelieu.

  • Un illustre occupant , Armand Jean du Plessis de Richelieu

La riche famille Duplessis  qui demeure non loin de là sur sur les terres de Richelieu, se distingue par son dévouement infaillible pour le roi.  En récompense, François 1er fait don du prieuré et de son domaine, en bien héréditaire, à la famille. 

Le second fils, Armand, était destiné selon la tradition, à un métier d'armes. La mort de son frère ainé, destiné lui à entrer dans les ordres changea sa destinée et l'obligea à entrer dans les ordres pour conserver le bénéfice de l’Évêché de Luçon.

Armand Duplessis devient un homme religieux, évêque de Luçon, rigoureux et ambitieux  A la mort de son oncle, il hérite du prieuré de Coussay.

Il y vient en visite et s'y sent bien. Sa santé fragile s'accommode mieux du lieu que des marais humides qui entourent Luçon. En 1608, il y demeure de façon permanente. Sa pièce favorite est l'oratoire du second étage de la tour dans laquelle il trouve souvent refuge. Il y écrira de nombreuses réflexions sur la religion.

L'oratoire est éclairé d'une petite fenêtre, ouverte vers l'Est, vers Jérusalem.

Armand Jean Duplessis est épris de pouvoir, oeuvre et "manigance" pour se faire d'abord élire délégué du Clergé aux Etats Généraux. Mais son ambition est immense et il espère approcher davantage le pouvoir. Il y parvient en se faisant nommer Secrétaire d'Etat à la Guerre et aux affaires étrangères du roi Louis XIII.

Mais patatras... Concino Concini est assassiné  sur ordre du roi et Richelieu chassé. Il se réfugie donc d'abord à Blois avec la reine mère régente Marie de Médicis. Elle y mène grand train avec fêtes et bals. Richelieu trouve plus sage de s'éclipser et de se réfugier à Coussay ou il passe deux années à prier dans son petit oratoire. Il se sent en danger et ne se voit plus d'issue. Il se met alors à rédiger son testament puis s'exile en 1618, hors du royaume, jusqu'en Avignon.

Un événement inattendu va cependa lui permettre de rebondir. Marie de Médicis s'évade de sa prison dorée provoquant la colère du Roi. C'est le Père Joseph, l'éminence grise qui accompagnera fidèlement Richelieu jusqu'à sa mort qui eut l'idée de demander à l'évêque de Luçon de convaincre la Reine-Mère de renouer  avec son fils. Après une année entière de tractations, Marie de Médicis reconnait enfin son fils comme roi. Armand Duplessis regagne la confiance du roi et entend bien tirer bénéfice de son action. Il convoite le chapeau de cardinal et Marie de Médicis interviendra en sa faveur. La route vers le pouvoir est ouverte  au tout nouveau cardinal de Richelieu. 

Marie de Médicis viendra encore au château en 1621. Puis Richelieu abandonnera l'évêché de Luçon et ne reviendra plus à Coussay.

Là s'arrête donc l'histoire des " riches heures" du château de Coussay.

  • Un intérieur qui recherche l'authenticité

L'entrée principale  côté Sud est ornée de pilastres, d'une frise élégante de rinceaux et d'un fronton au décor de coquille . 

Deux grandes pièces  séparées par un bel escalier de pierres occupent le rez de chaussée.  Les fenêtres à meneaux sont équipées de volets intérieurs, copies parfaites de celles qui existaient sous Richelieu. 

Les embrasures des fenêtres ont été débarrassées des couches d'enduit successives pour laisser apparaître des peintures malheureusement piquetées par des anciens propriétaires peu soucieux de la sauvegarde du patrimoine. Comme les poutres peintes, elles sont ornées de gros fruits variés et de fleurs stylisées.

Deux cheminées monumentales révèlent des fresques colorées associant blason, fruits, anges et visages.

L'une d'elles est ornée en son centre du Blason de Richelieu, d'argent à trois chevrons de geule surmonté d'une couronne ducale et d'un chapeau de cardinal dont on retrouve tous les éléments et les couleurs.

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Le manteau est lui orné d'une  frise élégante semblable à celles qui ornent la porte d'entrée et la fontaine qu'on visitera plus tard. Elle est très abîmée, peut-être récemment mais peut-être aussi du temps de Richelieu  car il avait beaucoup d'ennemis dans la  région... Il a, par exemple fait détruire les châteaux qui lui faisaient ombrage, Mirebeau, Champigny sur Veude etc...)

La seconde cheminée est ornée d'un élégant drapé et d'un visage souriant enigmatique.

 Les plafonds sont ornés de multiples entrelacs et monogrammes dont la signification reste encore à découvrir. Une multitude de détails apportent un charme incontestable à ce lieu.

Le château de Coussay et le cardinal de Richelieu (86)
Le château de Coussay et le cardinal de Richelieu (86)
Le château de Coussay et le cardinal de Richelieu (86)
Le château de Coussay et le cardinal de Richelieu (86)
Le château de Coussay et le cardinal de Richelieu (86)
Le château de Coussay et le cardinal de Richelieu (86)
Le château de Coussay et le cardinal de Richelieu (86)
Le château de Coussay et le cardinal de Richelieu (86)
  • Coussay , la suite

Richelieu meurt en 1642 et Coussay est transmis à son neveu Jean de Sazilly qui y donna de grandes fêtes dilapidant ainsi sa fortune. La suite est une longue succession fermiers généraux puis de ventes. Au début du XXème c'est un fermier qui y remise bétail et fourrage. C'est en 1903 que l'arrière grand père du propriétaire actuel en fit l'acquisition. Il entreprit d'importants travaux de sauvegarde des charpentes et toitures. Le classement et celui de la chapelle aux monuments historiques interviendra en 1952. 

 

Il est temps de regarder le château sous un autre angle. Celui que découvrit peut-être Marie de Médicis venant rendre visite à Richelieu. Elle est probablement passée sous ce porche très élégant.

 

Il cache une fontaine étonnante de délicatesse. Une source alimente le bassin fleuri de nénuphars roses.

Je pourrais encore vous parler de l'escalier à vis si parfait, des graffitis que le roi y a gravés et bien d'autres choses  mais il faut bien une fin.

 

Nous avons rencontré des châtelains animés par la conservation de notre patrimoine et heureux de transmettre leur passion pour ces vieilles pierres qui portent notre Histoire. Il faut les remercier  de leur investissement voire de leur abnégation, de leurs recherches minutieuses et interminables et de leur accueil chaleureux. Nous attendrons l'an prochain pour découvrir d'autres trésors cachés. 

Et pour en  terminer avec Coussay, sauriez-vous trouver le nom de ses habitants? Je vous le donnerai bien en cent ou en mille... Alors vous donnez votre langue au chat?  Ce sont les   Cusciacuciens du nom gallo romain de Cusciacus.

Profitez de cette belle fin d'été pour faire de belles balade ici ou là

Prenez soin de vous et à très bientôt

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T
Très bel article sur le lieu de mon enfance. Félicitations
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