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Des balades, des voyages, ici ou là , au jour le jour avec pour seule envie de s'émerveiller encore et encore

La maison Picassiette à Chartres, l'oeuvre d'une vie (28)

Aujourd'hui, il pleut, c'est triste et froid alors je vous emmène pour une balade d'été. Je vous invite à  découvrir (pour moi) un endroit surprenant, touchant, naïf, déroutant et insolite. Nous partons pour le Centre-Val de Loire à une centaine de kilomètres au Sud-Ouest de Paris, dans une ville mondialement connue pour sa cathédrale exceptionnelle mais qui recèle plein d'autres trésors. Je parle de Chartres. Nous n'y allons pas cette fois ci pour admirer les prouesses des bâtisseurs de cathédrale mais pour s'étonner de la ténacité d'une homme ordinaire qui a consacré toute sa vie à la construction et à la décoration de sa modeste maison.

C'est à l'écart du  centre historique, dans un quartier de pavillons et de jardins que nous cherchons l'adresse du 22 rue du Repos. Un portail vert, a moitié dissimulé par la végétation, un sentier étroit entre deux haies et nous voici arrivés à la maison Picassiette. Une petite maison simple, entourée de quelques fleurs.

La maison Picassiette à Chartres 28  Eure et Loire

Les restrictions Covid 19 en vigueur cet été limitaient drastiquement le nombre de visiteurs. Nous avons eu la chance d'être parmi-ceux là. La visite était à cette période, libre et gratuite.

S'il n'est pas permis de pénétrer à l'intérieur et c'est bien normal car  les décors sont fragiles, nous jetons, par les portes et les fenêtres laissées ouvertes, un regard presque indiscret dans l'intimité de cette maison singulière.

La cuisine de la maison Picassiette
La cuisine

La couleur est omniprésente.

Trois pièces en enfilade sont entièrement décorées. Des fresques et des mosaïques ornent chaque mur, chaque objet sans en négliger le moindre centimètre carré.  C'est le Mont-Saint Michel qui est à l'honneur sur le mur de la cuisine. On le retrouve en plusieurs endroits mais c'est avant tout Chartres qui a inspiré l'artisan de ce décor chargé.

image de l'Echo Républicain

 

Le salon joue, en vert et bleu, une ode à la nature avec une profusion de feuillages et deux biches venue s'abreuver au ruisseau.

Le salon de la maison Picasiette de Chartres
Le salon

On se laisse porter par cet univers onirique. Le regard ne sait pas où se poser. On voit tout et rien.

La machine à coudre me laisse pantoise mais nous ne sommes qu'au début de notre surprise.

La chapelle

A côté de la maison, une pièce fait office de chapelle.  Les bleus et les blancs sont dominants dans ce décor de fleurs et de personnages qui révèle la piété et la ferveur de son créateur.

La chapelle de la maison Picassiette à Chartres

 

 

 

 On lit là l'inscription "Ici repose l'esprit".

C'est probablement ici que le bâtisseur infatigable se reposait et mettait ses idées en ordre, lui qui disait puiser son imagination dans ses rêves. Certains ont même dit dans sa folie. Son inspiration, très mystique, côtoyait en leitmotiv la mort et  la résurrection.

Raymond Isidore un homme singulier

C'est un homme simple et tourmenté.  Il est né avec le XXème siècle, en 1900, dans une famille misérable de huit enfants. Son enfance est marquée par la mort de son père, alcoolique et violent et par la piété de sa mère qui sombra plus tard, elle aussi, dans l'alcool et la folie. A sa mort il dira, "je suis seul".

Au retour de son service militaire, il va de petit boulot en petit boulot. La vie est difficile. Puis il rencontre Adrienne Rolland. Elle est lingère, veuve et élève seule ses trois enfants. Ils se marient quelques années plus tard et, en 1929, il achète un lopin de terre pour construire  une maison. Elle est simple, sans eau courante ni commodités . 

Il fera au cours de sa vie de multiples métiers  et sera même conducteur du tramway à vapeur mais il a du mal à conserver ses emplois en raison de son caractère difficile. Il trouve un peu de stabilité en travaillant pour la commune comme cantonnier et ouvre même une guinguette dans son jardin où il joue de l'accordéon mais ses ambitions de jardinier seront contrariées et il sera affecté aux cimetières où il sera chargé de l'entretien.

Au cours d'une promenade, il est attiré par les reflets de débris d'assiettes. Il les ramasse et ne sachant pas quoi en faire, il les entasse dans un coins du jardin. Sa maison terminée, il se demande quoi faire de ces débris, les trie et a l'idée d'en faire un décor de mosaïque. Ce sera le début d'une passion dévorante qui ne s'arrêtera jamais.

Il ne cessera d'acheter des bouts de terrain adjacents à sa maison pour trouver plus d'espaces pour assouvir sa passion de la mosaïque. Jardin et potager n'y échapperont pas.  

LA MAISON PICASSIETTE, une belle surprise !

Lorsque tout fût recouvert, ne sachant plus quoi faire, il sombra dans la mélancolie.  Agé de 64 ans, sa santé psychique se dégrade. Il est hanté par des idées morbides et un soir d'orage, il s'enfuit par peur de la fin du monde et meurt peu de temps après.

photo chartres.fr

 

Poursuivons notre parcours, nous arrivons dans une courette.

Le tombeau de l'esprit sera sa dernière création.

On y découvre des cathédrales et des églises à foison. la cathédrale de Chartres où il s'est marié et où il se recueillait dans son enfance y a une place primordiale.

Le tombeau de l'esprit

 

Le "style Picassiette" un courant d'art naïf

Raymond Isidore ne pensait probablement pas que la technique qu'il venait d'inventer, de petits morceaux d'assiettes disparates noyés dans le ciment, serait reconnue comme un courant de l'art naïf et porterait son nom ou du moins son sobriquet.

Raymond Isidore a donc passé sa vie à accumuler des débris de toutes sortes pourvu qu'ils soient colorés. C'est cette  passion avide qui lui a valu son surnom de Picassiette. Certains ont voulu y voir la contraction de Picasso et assiette mais il faut plus probablement y voir le voleur (pique) d'assiettes.  Quoi qu'il en soit son nom a largement dépassé Chartes et nos frontières ce qu'il n' a probablement jamais imaginé. Il n'y a qu'à taper Picassiette sur Google pour voir apparaitre une quantité d'artistes qui utilise la mosaïque de récupération.

 

Parmi bien d'autres, Veronique Coty  est une artiste reconnue qui emploie cette technique Picassiette. Elle organise des stages entre Chinon et Richelieu et ses œuvres sont appréciées dans le monde entier : Harrods à Londres par exemple. Si je parle d'elle c'est qu'elle est installée près de chez moi mais beaucoup d'autres ont des interprétations de la technique très intérsesantes.

 lien vers le site-de-veronique Coty

picassiette-veronique-coty-artisan-art-commode-bleue

Continuons à déambuler dans  l'univers de Picasiette en parcourant les cours et le jardin.

 

 

 

Le jardin n'a pas changé. Le cerisier donne toujours ses cerises au printemps. Les fleurs se ressèment chaque année. Les statues de Raymond et Adrienne animent toujours le paysage en compagnie de la Tour Eiffel.

C'est la ville de Chartres qui est désormais propriétaire de la maison qui a été labellisée, en 2016, patrimoine du XXème siècle où elle voisine avec la maison de Pierre Loti à Rochefort (actuellement en travaux)

Avant de quitter le monde de Picasiette, encore une photo, celle d'Adrienne très élégante avec sa longue robe bleue et son collier de perles.

Adrienne La maison Picassiette
Adrienne

 

Cet homme tourmenté a eu la satisfaction de mener à bout son chantier et de connaitre une certaine reconnaissance. Reconnaissance qu'il appréciait car il prenait plaisir à faire visiter sa maison.

Raymond Isidore et Adrienne Rolland

L'arrière petite fille de Raymond Isidore partage une page facebook sous le nom de la Maison Picassiette. https://www.facebook.com/LaMaisonPicassiette/

Si vous visitez Chartres, gardez un peu de temps pour parcourir la maison de Picassiette, Je vous garantis un regard attendri sur la passion de cet homme.

 

Avant que l'été revienne et que nous retrouvions les chemins des promenades, prenez soin de vous.

Passez une belle journée ici ou là

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T
Bel article bien travaillé, les photos sont magnifiques. Belle architecture !
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T
C'était une belle découverte, inattendue mais qui laissent à penser quand on sort de cet endroit si particulier . Très belle journée.
L
Je suis "tombée" tout à fait par hasard sur ton blog. J'y ai trouvé quelques noms connus.:-)<br /> Je connaissais cette maison mais ne l'ai jamais visitée. Je ne manquerai pas de le faire si un jour nos roues nous mènent à Chartres.<br /> D'ici là, j'ai repéré encore des articles qui m'intéressent.<br /> <br /> Belle soirée.<br /> Lavandine
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P
C'est époustouflant de voir toutes ces photos. Cela a dû faire beaucoup de boulot mais il l'a sûrement fait avec passion. Merci pour cette découverte!
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S
Un plaisir de venir ici, passez me voir sur mon blog. https://samuel-jouet.blogspot.com/
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V
impressionnant!!! quel boulot... il a vécu pleinement sa passion. gros bisous. cathy
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